Article de Véronique Jandon-Gabard : Fonction ornementale du chromatisme naturel des acajous dans le meuble en bois des îles entre 1680 et 1800.

Pour citer cet article: Véronique Jandon-Gabard, "Fonction ornementale du chromatisme naturel des acajous dans le meuble en bois des îles entre 1680 et 1800.", Carnet de recherche du Groupe de Recherche en Histoire de l'Art Moderne (GRHAM), mis en ligne le 19 novembre 2024, consulté le ...

 

Au cours du XVII^e siècle l’Europe conforte sa position d’ordonnatrice du Grand Commerce Atlantique. Parmi les denrées échangées, les acajous, le pluriel exprimant la variété de l’espèce, vont progressivement passer du statut de matière première peu rémunératrice à celui de marchandise convoitée[1]. D’abord transportés comme matériau de fret lors de la morte saison de la canne à sucre ou de leste pour les cargaisons trop légères, entre l’Amérique et les côtes atlantiques françaises, les acajous commencent à être employés à la confection de meubles massifs pour les négociants dans les années 1680[2]. Ces derniers, en raison de l’augmentation quantitative de ces bois dans leurs cargaisons en direction des ports de Saint-Malo, Nantes, La Rochelle et Bordeaux, décident de les confier à leurs maîtres menuisiers afin d’agrémenter leurs intérieurs. Il s’agit là des fameux « meubles de port », vendus aujourd’hui sous cette appellation par les antiquaires, que nous préférons désigner par le vocable « meubles en bois des isles » afin de reprendre les termes usités dans les archives et traités de menuiserie de l’époque moderne[3]. Si en règle générale la fortune du commanditaire détermine l’emploi ou non d’un bois massif, l’originalité des négociants tient au transfert de cet usage aux bois des îlesdont les acajous deviennent le symbole. Ces meubles sont réalisés à partir d’une ou deux essences américaines qui représentent plus de la moitié des essences du meuble. Sur un total de 425 meubles répertoriés, dont 228 ont fait l’objet d’un traitement détaillé, plus de 85% des objets étudiés sont constitués d’acajou massif. Sur ces 197 [tableaux 1 et 2] objets, 147 ont été fabriqués dans les ports et 50 dans leur arrière-pays, entre 1680 et 1800.

Tableau 1 : Proportion des acajous dans les meubles en bois des îles / types de meuble.

Saint-Malo, Nantes, La Rochelle, Bordeaux et leur arrière-pays (1680-1800)

	Commodes	Armoires/ meubles combinés	Secrétaires et bureaux	Tables	Enfilades et buffets bas	Chaises et sièges	Meubles atypiques[4]	Total	%
Acajou massif	59	31	2	15	2	0	4	113	57,36%
Deux bois exotiques massifs ou plus dont l’acajou	27	23	7	18	1	3	5	84	29,04%
TOTAL / 228	86	54	9	33	3	3	9	197	86,40%

Tableau 2 : Répartition des meubles composés d’acajou massif en fonction du type de meuble selon les ports (1680-1800)

	Commodes	Armoires	Tables	Autres meubles	Total
Saint-Malo	14	7	4	1	26
Nantes	21	19	8	2	50
La Rochelle	11	9	10	3	33
Bordeaux	20	9	7	2	38
Total meuble en acajou	66	44	29	8	147

La densité des acajous d’Amérique, entre 550 et 850kg/m³, leur procure une certaine aisance au façonnage, et leur résistance aux insectes et champignons une durabilité intéressante. Mais le plébiscite de ces essences est à chercher ailleurs. Par le resserrement des pores du bois lors de leur ponçage, les acajous prennent un poli étincelant et, associé à leur texture fine, révèlent toute l’étendue naturelle de leur gamme chromatique. Un point de vigilance s’impose pour cette étude en raison de l’altération des couleurs par le brunissement des essences dès leur ponçage. André-Jacob Roubo, menuisier de son état et rédacteur d’un traité sur cet art pour l’Académie des Sciences de Paris en 1774, préconisait pour éviter cet effet de travailler sur des échantillons afin « de ne point être trompé sur leurs véritables couleurs » et être en mesure de révéler toute la profondeur de leurs teintes[5]. Leur exposition à la lumière, à l’humidité et/ou à la chaleur modifie la qualité spatiale des couleurs et peut altérer le regard que nous portons sur les coloris de ces meubles parvenus jusqu’à nous qui apparaissent sous des camaïeux de bruns[6]. Notre regard est donc bien différent de celui porté par les hommes des XVII^e et XVIII^e siècles pour qui les acajous invitaient au mystère, à l’exotisme, voire à la modernité et au plaisir par la contemplation de leur richesse colorée allant du rosé-rouge pourpre au rouge-brun[7]. Si « ce sont des plantes qui fournissent des couleurs aux arts », comme l’affirme Michel-Etienne Descourtliz (1775-1839), médecin et botaniste, nous pouvons alors légitimement nous interroger sur le rapport entre diversité naturelle des acajous et engouement pour les possibilités chromatiques de ces essences dans ce siècle des Lumières où « la nouvelle multiplicité des nuances et des tons est l’une des facettes des transformations que connaît la culture matérielle européenne, profondément marquée par la diffusion des nouveaux produits exotiques »[8].

Dresser un état des recherches sur le potentiel esthétique de la couleur, gamme et texture, dans le choix des bois pour le mobilier du XVIII^e siècle ; afin de nous interroger sur la valeur-ajoutée du chromatisme des acajous aux intérieurs négociants, permettra de comprendre ce que nous dit ce choix sur le goût d’une catégorie sociale prête à défendre sa singularité par l’usage des acajous massifs dans son mobilier en créant un véritable savoir-vivre atlantique.

2. Etat de la recherche sur la place du chromatisme dans le mobilier

Le bois, en tant que matériau millénaire de l’architecture et du mobilier, bénéficie depuis quelques décennies de questionnements novateurs qui s’intéressent aux interactions de celui-ci avec nos sociétés anciennes et contemporaines tant dans ses dimensions archéologique, biologique, que technique et esthétique[9]. Principalement abordé d’un point de vue patrimonial dans le mobilier, le bois est pensé comme matière première. Il est rarement analysé comme composant artistique où ses caractéristiques physiques, parmi lesquelles la couleur, sont susceptibles d’influer sur l’émergence de nouvelles formes[10]. C’est ce que permet l’étude des meubles en bois des îles. La diversité chromatique des acajous interroge la place de la réflexion sur la couleur dans le mobilier. La connaissance des variations de coloris, au sein d’une même espèce, est tangible dès les premières publications scientifiques issues des conquêtes européennes des XVI^e et XVII^e siècles puisque la dénomination de ces essences, se fait entre autres par leur couleur : « bois rouge d’Amérique »[11]. Révélant ainsi l’intérêt porté à la couleur par les hommes de l’époque moderne.

En France, le premier historien des arts décoratifs à s’intéresser aux acajous, pour leur usage en placage, est Pierre Verlet dans sa confrontation du Grade Meuble royal aux objets parvenus jusqu’à nous. Son étude aborde la couleur de façon périphérique à partir des tissus des sièges qui donnent selon lui « un caractère changeant » à des meubles « dont la destination ne varie pas »[12]. La couleur est donc traitée comme supplément esthétique et la diversité chromatique des essences de bois n’est pas au centre du questionnement. En parallèle, la recherche anglo-saxonne, dès les années 1970 avec David Watts dans le cadre des Global Studies, s’est intéressée indirectement à la couleur en lien avec l’identification des bois et le rôle de l’espace géographique de croissance de l’arbre sur les qualités physiques et esthétiques des essences américaines[13]. Mais c’est Richard Evans Tyler qui tient compte le premier, du rapport entre forme, coloris et effets de matière, le savoir technique n’étant qu’un outil d’analyse parmi d’autres[14]. Adam Bowett, quant à lui, aborde le bois dans toutes ses dimensions y compris philosophique afin de saisir l’influence du coloris de ces matériaux sur nos sociétés, il laisse apparaître en filigrane la notion d’identité[15]. Plus récemment le travail de l’historienne Jennifer Anderson, centré sur l’histoire des acajous américains à l’époque moderne, identifie clairement les différentes provenances des acajous, leurs usages en Amérique et en Angleterre, leur valeur symbolique dans la sphère sociale et leurs apports esthétiques dans l’ornementation des intérieurs par le meuble. Le premier chapitre, dont le titre « A New Species of Elegance » est évocateur, aborde le rôle de leurs couleurs sous un angle novateur celui de la variation chromatique au service des mutations formelles des objets[16]. Cet intérêt majeur pour les acajous en Angleterre et dans leurs colonies américaines est une conséquence directe des retombées économiques et culturelles de ce commerce par un usage en massif, dès le XVI^e siècle, de ces essences dans le mobilier national anglais. Les productions du XVIII^e siècle de Thomas Chippendale et Thomas Sheraton en sont emblématiques. A contrario, le peu d’intérêt porté au chromatisme des bois des îles dans la recherche française s’explique par le rôle monétaire occupée par le sucre au XVIII^e siècle[17]. L’analyse du chromatisme de l’essence dans le processus artistique demeure ainsi un champ à explorer. Même si Jacqueline Viaux-Locquin dans son répertoire des bois d’ébénisterie accorde une place spécifique aux couleurs et aux veinages des essences, il faut attendre le travail de Véronique Michau en 2001, centré sur l’usage de l’acajou sous forme de placage et en massif dans le mobilier parisien dans la seconde moitié du XVIII^e siècle, pour ouvrir la voie[18]. Alors que celles de Lars Ljungström sur la production suédoise des meuble néoclassiques en acajou, priorisent la notion de transfert de modèles entre la France et l’Europe[19]. Á ce sujet Daniel Alcouffe précise qu’aux recherches anciennes axées sur le style, ont succédé des questionnements plus larges et pluridisciplinaires portant sur le projet architectural, l’ornement, les circulations et transferts artistiques ainsi que sur la forme[20]. Ainsi, c’est d’abord dans une optique muséale et patrimoniale que s’exprime le questionnement scientifique sur la couleur du meuble.

La recherche récente de Joana Ferreira De Sousa questionne l’usage du noir dans le mobilier parisien du XVII^e au XIX^esiècle. Elle démontre comment l’usage d’une couleur exprime, dans les intérieurs, le goût d’une époque et la singularité du commanditaire dans la lignée des travaux d’Agnès Bos[21]. Cette dernière, interroge la rupture que constitue le succès du cabinet d’ébène au milieu du XVII^e siècle. La monochromie de l’ébène est une tentative intéressante de mise en valeur de l’essence pour ses qualités chromatiques[22]. L’analyse du rôle de la couleur sur les choix formels et les interactions entre objets ornementaux, très présente dans les études sur les tissus d’ameublement, est donc plus confidentielle lorsque nous abordons le mobilier[23]. Notre étude reprend les concepts hérités des travaux sur la culture matérielle et s’inscrivent dans le champ ouvert par l’Atlantic History qui travaille sur les denrées et les objets susceptibles de déclencher de nouvelles formes de consommation et de nouvelles manières de vivre de part et d’autre de l’atlantique. Et même-si notre focal est hexagonal, nous ne devons pas oublier que les négociants imaginent leurs intérieurs au-delà des ports de Saint-Malo, Nantes, La Rochelle et Bordeaux dans leurs comptoirs américains où ils forment leur descendance. En 2021, l’étude dirigée par Michel Figéac sur les notions d’échanges et de métissages des cultures, met en relation la Nouvelle Aquitaine et l’outre-mer. Á ce titre, Margueritte Martin propose une réflexion sur la notion de culture de la couleur à partir des étoffes de laine de la France du Centre Ouest à la fin du XVIII^e siècle en définissant le rôle économique des élites régionales et locales sur la création et la diffusion d’un goût atlantique. Elle démontre également, dans une autre recherche, comment l’introduction de nouveaux colorants d’origine tropicale, comme l’indigo, a transformé la palette des teinturiers et entraîné la mutation des étoffes intermédiaires à partir de 1850 par le changement des apparences du vêtement[24]. La thèse d’Agnès Servais sur l’usage tinctorial du bois de Brésil vient compléter cette approche. La disponibilité de ce bois américain « sur le marché européen comme matériau colorant » et source de renouvellement du rouge dans les tissus et l’enluminure, permet aux artisans d’élargir la gamme proposée aux clients[25]. Interroger le rôle du coloris et de la texture des acajous, sur les choix formels des artisans dans la conception du meuble en bois des îles a pour but d’ouvrir de nouvelles perspectives. Perspectives à inscrire dans une époque où la couleur « parfume […] les différents moments de la vie »[26], afin de faire évoluer notre regard sur la valeur ajoutée que constitue le chromatisme des acajous.

2. Valeur ajoutée du chromatisme des acajous

 2.1. Une gamme élargie permettant des associations de coloris

André-Jacob Roubo, explique que « Les bois tropicaux déclinent des couleurs plus soutenues dans une palette plus diversifiée » que celle des bois indigènes, « La gamme des couleurs […] est très riche et nuancée […] », les couleurs sont changeantes, chatoyantes ou moirées et s’agrémentent « d’éclats plus ou moins lustrés ». Il précise même que l’aspect de certains acajous « ressemble à la soie ou au satin »[27]. Cette variété chromatique s’explique par deux facteurs majeurs : la zone géographique de croissance des arbres et les conséquences physiques des aléas de cette croissance. De la famille des meliacea, ils sont composés de deux variétés principales. Le swietenia mahogani et le swietenia macrophylla. Leswietenia mahogani, désigné sous le vocable anglais de mahogany, terme issu des langues indigènes, est aussi connu sous l’appellation générique d’acajou de Cuba, parfois qualifié de Saint-Domingue ou de la Jamaïque selon l’espace de croissance. Il se développe principalement dans les Grandes Antilles. Le swietenia macrophylla, connu sous le nom générique d’acajou du Honduras, croît en Amérique centrale, sur le versant atlantique et les rives de l’Amazone. Il est aussi parfois qualifié d’acajou du Brésil ou du Mexique[28].

On peut les distinguer grâce à leur couleur une fois qu’ils ont été travaillés. L’acajou de Saint-Domingue est d’un rouge profond qui fonce à la lumière, il est dur et sa surface très lisse se polit facilement. L’acajou de Cuba quant à lui, de qualité moindre, est d’un rouge plus pâle. Il est plus léger, son fil droit est sans veinage. Les Anglais le nomment havana wood. L’acajou du Honduras est lui tendre et léger à croissance rapide[29]. Sa couleur d’un rouge plus clair devient plus pâle à la lumière, son grain est moins fin que celui de Cuba. Il supplante l’acajou foncé quand ce dernier se raréfie à la fin du XVIII^e siècle en raison principalement de l’intensification des coupes invasives. La couleur peut aussi varier au sein d’une même espèce en fonction du terroir, rôle du sol et du climat, comme pour la vigne[30]. L’importance respective de l’aubier, zone plus claire, et du duramen, zone plus foncée, explique, entre autres, qu’un acajou ne donne que très rarement le même rouge. Il peut se décliner en un nuancier de rouges dits « profonds » selon les menuisiers et botanistes des XVIII^e et XIX^e siècles[31].  Dans les archives ces nuances sont perceptibles, l’acajou de Cuba est dit « acajou sombre » et celui du Honduras est qualifié d’« acajou clair »[32]. Nuances de couleurs qui transparaissent dans la définition faite par André-Jacob Roubo :

Acajou ou Acajous : […] le bois d’acajou proprement dit est […] de couleur roussâtre […]. Il […] se brunit plus promptement. L’acajou de Cayenne vient haut et gros, […] ; la couleur est rougeâtre, quelques fois veiné ou marbré de jaune et de blanc […]. L’acajou de la Jamaïque est d’une couleur brune un peu rougeâtre, rayé de brun foncé en suivant les couches concentriques de l’arbre ; ce qui produit de très beaux accidents aux environs des nœuds, dont alors les couches concentriques suivent les sinuosités[33]. [Fig. a]

Dans sa dernière phrase, l’auteur souligne que la couleur des acajous peut également être modulée par une croissance altérée ou retardée mais aussi par les maladies et/ou malformations qui en découlent. Ceci crée une singularité mémorisée dans les fibres mise en valeur au moment du débit et du façonnage. Ce bois peut être veiné, uni ou moiré [tableau 3]. L’acajou moiré est constitué de sinuosités « très rapprochées dans le plan radial, associées à un contre-fil », dû à une croissance rapide, qui donnent « un aspect mat sur fond brillant », anomalie due à une croissance trop rapide provoquant un écrasement des cellules[34]. Il peut être également moucheté, roncé, flammé, chenillé ou ondé. La beauté de ce dernier « tient aux contrastes entre les parties mates et brillantes ». Enfin, nous pouvons aussi citer le rubané, nommé satiné par André-Jacob Roubo[35]. Il est caractérisé par des fibres « inclinées successivement et régulièrement dans un sens différent par rapport à l’axe de l’arbre » ce qui « donne un aspect rubané alternant des bandes brillantes et mates de largeurs et longueurs variables » [36]. Il est fréquent dans les bois tropicaux. Trente meubles de notre répertoire possèdent une de ces caractéristiques originales avec une prééminence de l’acajou moucheté pour un tiers d’entre eux. Ce moucheté est dû à un défaut du bois difficilement identifiable, comme la maladie, le manque d’eau, les champignons etc… Son usage permet de jouer sur les contrastes avec l’acajou uni et de créer des effets de reflets sur sa zone tachetée grâce aux changements de luminosité dans la pièce. Cette anomalie permet à l’artisan d’apporter des nuances et d’éviter l’uniformité chromatique.Quant au moiré, il est employé dans cinq de nos meubles et permet d’avoir, sur une même façade, des tons allant du rouge brun foncé au rouge doré agrémentés de sinuosités et de reflets cuivrés, dans une même planche sans recourir au placage. Ces « sinuosités très rapprochées dans le plan radial, associées à un contre-fil, donnent un aspect mat sur un fond brillant »[37]. A Bordeaux, en 1793, l’inventaire après-décès du négociant Hugues Lapierre, fait état de six tables de divers acajous, dont deux d’entre elles sont des tables cabarets combinant acajous flammé et moiré. L’acte de divorce de Louis Urbain Giard, également négociant, fait état, en 1797, d’une « armoire de deux bois d’acajou », alors que deux commodes d’acajou et d’acajou moiré sont répertoriées chez Martin Lamothe en 1799[38]. Il en est de même à Nantes où un quart des commodes sont confectionnées avec au moins deux acajous [vol. 2 fig. 26][39]. La finition au vernis au tampon, au XVIII^e siècle, vient, quant à elle, révéler et accentuer les effets de ces particularités physiques [tableau 3][40].

Tableau 3 : Variété de la gamme chromatique des acajous américains[41]

Cette gamme élargie de rouges permet aussi d’identifier, en partie, les zones d’approvisionnement des acajous au XVIII^esiècle [tableau 4]. Lorsqu’il est possible d’observer l’intérieur des meubles afin d’y voir la couleur des tasseaux, ou lorsqu’on dispose d’un certificat d’authentification de provenance[42], la couleur et le veinage, non altérés par les affres du temps, se dévoilent. En croisant cette information de couleur avec les études menées sur le commerce du bois et les archives, il est possible de dresser un profil des acajous les plus employés. L’identification par la couleur n’a été possible que pour 36% de notre panel, les restaurations anciennes ou l’impossibilité, pour certaines collections privées, d’accéder aux objets expliquent ce ratio. Dans notre cas nous constatons que les acajous foncés, quarante-six objets, sont plus nombreux que les acajous clairs avec seulement vingt objets. En France, les zones d’approvisionnement sont principalement les Grandes Antilles, contrôlées par les Anglais et les Français à partir de 1680. S’ajoutent au milieu du XVIII^e siècle le Honduras, espace un temps à l’écart des compétitions, et la Guyane. Le rouge foncé est alors contrebalancé par des teintes plus claires à la fin du siècle. L’engouement pour le premier se maintient cependant jusqu’au début du XIX^e siècle dans la production des meubles en bois des îles [43].

Tableau 4 Identification des zones géographique des acajous utilisés en fonction de leur couleur (1680-1830)

	Acajou dit de Cuba (acajou foncé rouge profond)	Acajou du Honduras(acajou clair rouge brun après 1740)	Acajou de Guyane(acajou clair rosé)	Acajou de la Barbade (acajou foncé) production américaine
Certificat d’authentification	39 (dit Cuba)1 (Saint-Domingue)	1(Honduras)1(Mexique)	2	13
Chromatisme (observation /intérieur du meuble)	1 (Jamaïque)3 (Saint-Domingue) 2 (Cuba)	18	3	0

Les variations chromatiques, induites par la provenance géographique et/ou les originalités physiques issues de la croissance des acajous, sont alors utilisées par les artisans pour diversifier la gamme tonale des meubles en bois des îles. Ce choix entre en résonance avec la place symbolique du rouge qui, dans les écrits de Bernardin de Saint-Pierre, représente au XVIII^e siècle « l’harmonie parfaite » et devient « la plus belle des couleurs »[44].

Les choix techniques et ornementaux, avec la prédominance de la moulure, viennent révéler cette gamme de rouges par le coloris.

 

2.2. La moulure au service du coloris par la captation du regard

Les artisans font appel aux techniques employées pour les bois indigènes et, pour les essences les plus denses, ils empruntent celles des charpentiers navals. Dans les deux cas la finalité est de sublimer la multiplicité des teintes. La moulure est au cœur de l’arsenal ornemental déployé par ces artisans, associée parfois au placage et, de façon plus marginale, à la sculpture et à la marqueterie ou à l’incrustation pour les objets d’apparat. Elle est présente sur l’ensemble des meubles répertoriés.

Définie comme étant un « ornement allongé caractérisé par son profil constant », la moulure peut être pleine, en relief ou creuse, nue ou ornée[45]. Dans notre cas elle est systématique et presqu’exclusivement nue. Son rôle esthétique est de séparer et de diviser les surfaces afin de les articuler, voire de les hiérarchiser entre elles ; la moulure oriente donc le regard[46]. Il s’agit bien de dévoiler les grandes lignes et les articulations du meuble par le coloris.

Parmi ces moulures, le bec de corbin est omniprésent au XVIII^e siècle [vol. 3 pl. 6]. Cette « grosse moulure pleine à profil arrondi » dont la partie inférieure est « retaillée d’un canal ou d’une gorge », associant un relief et un creux, se trouve sur les rebords des plateaux des commodes[47]. Quel que soit le lieu de production, 30% des plateaux en sont bordés [vol. 3 pl. 6]. Typique des productions du règne de Louis XIV et réutilisée de façon plus modérée à la Régence et sous Louis XV, cette moulure s’établit comme une référence dans les ports de la façade atlantique entre 1680 et 1800. Elle permet d’encadrer le plateau, par un effet d’ombre sur son contour afin de renvoyer toute la lumière sur la partie centrale polie. Des variantes, selon l’espace de production, sont à noter puisqu’il suit la sinuosité de la façade. Plutôt en arbalète ou en anguille à Nantes [vol. 2 fig. 9], il se bombe sur le devant des commodes tombeau bordelaise [vol. 2 fig. 53] et devient linéaire sur celles de Saint-Malo et La Rochelle [vol. 2 fig. 98]. Mais la moulure ayant le plus de succès est le filet ou la baguette. Cette moulure en relief, dont l’épaisseur et le nombre varient, est présente sur plus de 40% de nos meubles[48]. Cette fois-ci c’est la finesse ou l’épaisseur de celle-ci, sur les panneaux de façade des armoires par exemple, qui permet de concentrer le regard sur la brillance du bois poli. Son rôle est alors de révéler la couleur par sa proximité. Sur les traverses de façade et les tiroirs, le filet encadre les parties plus nobles et les fait ressortir. A Nantes, les formes légèrement galbées des façades des commodes sont réhaussées par de fins filets qui viennent souligner l’encadrement des tiroirs [vol. 2 fig. 18]. La platebande, diminution de l’épaisseur d’un panneau à des fins décoratives minimalistes, révèle, quant à elle, les panneaux à glace des côtés en cassant leur monotonie [vol. 2 fig. 126][49]. L’objectif est un encadrement discret des parties moins visibles grâce à l’association de divers types d’acajou. La moulure par son relief et/ou son creux engendre une apparence d’épaisseur créant des lignes mâtes ou brillantes « dont la sécheresse est atténuée quand le profil devient courbe »[50]. Sur les bureaux et secrétaires, l’élégi et/ou la cannelure sont privilégiés pour les montants avant [Fig. b].

 Ils associent le creux et le relief qui créent des effets de lumières. Les cannelures, lorsqu’elles sont incrustées de courbaril, accentuent encore plus les effets de lumière par contraste avec l’acajou plus sombre [vol. 2 fig. 320].

Dans ces conditions la mouluration est en adéquation formelle avec le mobilier parisien, domination de la courbe et donc du cintrage qui se développent au tournant des années 1720-1730. Mais aussi dans ses fonctions, délimitation de registres, et dans sa composition, par une moulure le plus souvent directement intégrée au bâti. La moulure, en tant qu’ornementation principale, distingue nos meubles. Une même moulure est donc déclinée en fonction du coloris recherché pour le meuble. Cette rupture de la planéité anime par des contrastes lumineux un ensemble d’ornements linéaires et vient mettre en valeur la palette chromatique des acajous. À la différence du mobilier de cour en acajou, où elle ne semble pas suffisante à l’artisan pour révéler la couleur de l’essence et doit être complétée par la sculpture, la marqueterie ou les bronzes. La moulure linéaire est un élément de reconnaissance du mobilier en bois des îles[51].Evidemment lorsque l’apparat est recherché, d’autres techniques ornementales complètent voire se substituent à la moulure.

 

2.3 Sculpture, placage, marqueterie et incrustation : produire des effets d’apparat colorés

La facture assez sobre de la sculpture et sa relative faiblesse quantitative, elle est le plus souvent cantonnée aux traverses basses et aux piétements des commodes ainsi qu’aux frontons des armoires, renvoie à nouveau aux couleurs et à la brillance des acajous qui favorisent l’usage modéré de cette technique qui pourrait nuire à leur beauté [vol. 3 pl. 16 à 18 et 20]. Parmi les meubles en acajou, un peu moins de 10% d’entre eux sont presque entièrement sculptés [tableau 5].

Tableau 5 Rapport entre moulures et autres techniques ornementales (1680-1800)
	Quantité	Pourcentage
Meubles moulurés	147	100%
Meubles moulurés dont les sculptures viennent souligner les moulures	28	19,04%
Meubles moulurés presqu’entièrement sculptés, effacement des moulures	14	9,52%
Meubles moulurés, plaqués, incrustés, marquetés et/ou parquetés… disparition de la sculpture et de la moulure	10	6,80%

C’est avant tout la production bordelaise qui déploie une richesse sculpturale originale, probablement en raison de l’origine parlementaire de la majeure partie des négociants. Illustration de la maîtrise technique des artisans, ces sculptures travaillent les coloris des essences de plusieurs façons en se combinant à des techniques complémentaires afin de suggérer les couleurs par leurs nuances[52].

Parmi les douze commodes tombeaux bordelaises répertoriées, six sont ornées d’une traverse basse sculptée d’entrelacs végétaux qui se rejoignent au centre en un cœur floral [vol. 2 fig. 54]. L’une d’entre elles est même entièrement sculptée sur les faces des tiroirs [vol. 2 fig. 58]. Ici, l’ornement fait le lien entre les différentes pièces du meuble « comme entre les divisions d’un mur ou d’un plafond »[53]. Il sert de rappel thématique pour unifier le discours autour de la couleur. La liaison ornementale permet aussi d’atténuer la sécheresse systématique de certains encadrements, comme les moulures de cadre, par la combinaison de petites zones d’ombres et de lumières qui irise les surfaces. L’ornement sculpté révèle les points forts de la composition d’ensemble, à la jonction des différentes moulures. Il vient renforcer les subtilités colorées[54]. Cependant, à la différence de la moulure, dont le but est de renforcer les jeux de brillance afin de créer des contrastes entre piétement et plateau, entre façade et côtés, la sculpture est là pour capter le regard et accentue la proximité entre meuble en acajou et meuble parisien. Par conséquent, l’absence de sculptures peut être aussi un choix esthétique et identitaire qui permet de mettre en valeur toutes les nuances de rouges des acajous par l’usage de la marqueterie, de l’incrustation ou du parquetage en combinant ces acajous avec des bois des îles plus clairs de couleur franche comme le bois de citron, accentuant ainsi les effets de contrastes [vol. 2 fig. 300][55]. Leur présence renforce l’éclat des acajous et l’effet d’apparat souhaité par le commanditaire.

En parallèle de la sculpture, la technique la plus utilisée dans les ports est le placage. Selon André-Jacob Roubo, il « consiste en des compartiments de bois refendu en feuilles très minces, collé sur un fond de bois uni nommé menuiserie de placage ou marqueterie » [56]. La menuiserie de placage correspond dans nos ports au frisage qui « consiste à raccorder les veinages des feuilles pour obtenir des symétries entre les feuilles par rapport à l’axe du joint »[57]. Les motifs sont géométriques et se déclinent en losange, en fougère, en pointe de diamant, en croix, en damier, en chevron ou en soleil. L’originalité de nos meubles est l’usage de ce placage non sur un seul panneau mais sur l’ensemble d’une façade, pour composer par exemple un losange, sur toute la hauteur d’une armoire comme à Saint-Malo [vol. 2 fig. 260B et 267]. La surface occupée renforce les effets de texture. Il est un moyen simple d’ornementation comme l’est le parquetage qui se substitue parfois à la marqueterie [vol. 2 fig. 288]. Il permet de jouer sur des nuances minimes de couleurs rouges-brunes, en associant palissandre et bois de violette à une structure d’acajou [vol. 2 fig. 98]. Cette technique est attestée dans l’ensemble de nos ports à deux périodes, les années 1680-1700 et après 1750. Elle représente 1.76% de notre répertoire [tableau 6]. Ce choix permet de jouer sur le moiré des bois entre acajou et acajou moucheté, tout en économisant la ressource [fig. 31 et 348]. Esthétisme minimaliste également exploité par les frères Oeben, sous Louis XVI, à l’image de la commode du duc de Choiseul réalisée en 1760 pour le château de Chanteloup. Seul le placage d’acajou veiné vient ici jouer avec l’éclat des bronzes[58].  Le placage, même s’il est relatif numériquement, montre la réflexion technique opérée par les artisans sur les effets visuels colorés induits par la juxtaposition de textures et de nuances entre plusieurs acajous ou entre acajous et bois des îles.

Tableau 6 : Proportion des meubles d’acajou selon la technique utilisée (1680-1800)

	Quantité	Proportion par rapport à l’échantillon	Proportion par rapport au répertoire
Meubles plaqués	7	33,33%	1,76%
Meubles marquetés	4	19,05%	1,01%
Meubles incrustés	6	28,57%	1,52%
Meubles à deux techniques	4	19,05%	1,01%
Total	21	100%	5,30%

La marqueterie, elle, est une forme de placage figuratif à l’ornementation végétale et/ou géométrique grâce aux minces feuilles de bois que l’ébéniste compose comme un subtil puzzle. Elle est qualifiée de « mosaïque » ou de « peinture en bois » et s’observe à Bordeaux sur une table de desserte de la fin du XVII^e siècle [vol. 2 fig. 348 – vol. 3 planche 8]. Une loupe de noyer vient dessiner sur celle-ci des formes dont les contours sont constitués par l’acajou du plateau formant filets. Le second exemple est une commode, issue du même port, dont les façades de tiroir en acajou sont plaquées de bois de citron [vol. 2 fig. 79]. Ce choix accentue le contraste entre essences claires et foncées, mais aussi entres les aspérités des essences, moiré de la loupe et aspect lisse et brillant de l’acajou et du bois de citron. De façon plus marginale, l’acajou massif peut recevoir de l’incrustation. Cette dernière est employée sur une commode produite à Nantes au milieu du XVIII^e siècle. Des rinceaux de feuillages assez sobres, inspirés des réalisations d’André-Charles Boulle et du foisonnement végétal de la rocaille, prennent place sur les façades des tiroirs et entourent les entrées de serrures et les poignées [vol. 2 fig. 31]. Le bois de citron, essence incrustée, est gravé au burin pour y former des ombres comme les artisans peuvent aussi le faire sur le métal. Á l’exception d’une commode rochelaise, mais dont les incrustations sont en sycomore teinté jaune sur acajou massif [vol. 2 fig. 110], cette commode nantaise est exceptionnelle dans notre corpus[59]. Les archives permettent cependant de supposer un emploi plus large de cette technique en dépit des imprécisions récurrentes. A Bordeaux, l’inventaire de Joseph Lombard en 1708 répertorie des meubles marquetés « à pièces de rapport » sans autre précision, alors que les meubles incrustés d’ébène et/ou d’ivoire sont largement commentés[60]. Au décès de la veuve du négociant de Saint-Malo et de Cadix, Nicolas Magon du Bos, en 1772,  le notaire de Marie Jeanne Elisabeth Moreau de Maupertuis décrit dans sa chambre « une commode de bois de placage des îles » sans pour autant préciser l’essence employée en bois massif et celle en placage[61]. La faiblesse numérique des meubles d’acajou sculptés, marquetés ou incrustés est donc en partie à relativiser et à recontextualiser par rapport aux intentions ornementales des artisans. Ces derniers privilégient les qualités visuelles des acajous

L’usage de la moulure, dont le siècle d’or dans le mobilier national est le XVIII^e siècle, n’est pas en soi un élément de différenciation vis-à-vis du mobilier parisien. Mais son usage systématique et quasi exclusif, sans autre ornement, en fait une particularité des meubles en bois des îles confectionnés en acajou. Ce choix est lié à une recherche délibérée de mise en valeur colorée des essences et dévoile la culture matérielle des négociants reflet d’une identité atlantique.

3. Chromatisme et goût négociant, unité et singularité des coloris

Les liens intra et extra-familiaux au sein de la sphère négociante atlantique, bien au-delà des ports français, contribuent à développer un sentiment d’appartenance à une élite portuaire passant par un besoin de légitimation[62]. Les bois des îles, dont les acajous, servent de catalyseur identitaire. Et même si leur usage est le fruit d’une opportunité d’approvisionnement, l’acharnement à contrôler les routes maritimes pour leur acheminement dans les ports, démontre un attachement esthétique au goût qu’ils contribuent à développer. Les qualités physiques des acajous créent un langage chromatique commun, cela passe par des choix formels et ornementaux qui varient selon le profil du commanditaire et la zone géographique de production des meubles. Convergence et singularité sont indispensables à la pérennité d’un savoir-vivre atlantique[63].

3.1 Révéler la couleur par l’unité formelle

Jennifer Anderson met en avant quatre raisons expliquant l’engouement des commanditaires pour les acajous. Une convergence économique et sociale qui rend plus attractives les denrées du nouveau monde, une politique anglaise visant à réduire à l’export le prix de ces essences, l’engagement des marchands des colonies et des ébénistes dans la diffusion d’un nouvel esthétisme. Mais aussi, comme en France, l’intérêt pour les couleurs de ces bois qui incarnent l’idéal du raffinement[64]. Trois évolutions sont à noter au cours du XVIII^e siècle dans la distribution des intérieurs négociants et ce quel que soit le port. À partir des années 1680, les acajous apparaissent de façon très modeste dans le mobilier du comptoir où ils restent cantonnés jusque dans les années 1720. À compter de cette date un transfert s’opère vers l’ameublement de prestige, traditionnellement réalisés en bois indigènes massif au XVII^e et au début du XVIII^e siècles. En parallèle d’une démocratisation des acajous massifs dans un plus grand nombre d’objets, cette essence se mélange dans un même meuble à d’autres bois des îles, pour créer des contrastes colorés. Et parfois à une structure en bois indigène à partir de 1750 en raison de phases de pénurie plus ou moins régulières des bois américains. Dans ce contexte, se dégage de la production atlantique une certaine unité dans les caractéristiques formelles. Le choix d’une corniche moulurée proéminente dans plus de 80% des armoires en est un bon exemple [vol.3 pl. 3 à 5]. Traditionnellement réalisée en chêne, noyer ou cerisier à Nantes et Bordeaux, au début du siècle, elle est presqu’exclusivement confectionnée en acajou au milieu du XVIII^e siècle. Corps de moulures en surplomb par rapport aux autres, la corniche forme un couronnement à l’armoire. D’abord droites et rectilignes entre 1680 et 1720, les corniches nantaises s’arrondissent en même temps qu’elles perdent peu à peu leur répertoire ornemental typiquement local [vol. 2 fig. 196]. Elles s’associent à la courbe par le chantournement en chapeau de gendarme [vol. 2 fig. 244] ou en accolade [vol. 2 fig. 224]. Vers 1770 la moulure adopte un mouvement ondé très apprécié jusqu’à la fin du siècle. Parfois, la corniche droite est tempérée par un léger cintre en façade dans la masse, donnant une grande sobriété[65]. Cette courbe des corniches devient majestueuse à Bordeaux tant dans ses proportions que dans son déploiement, et répond aux traverses intermédiaires des panneaux centraux moulurées en ovale [vol. 2 fig. 238] ou en S [vol. 2 fig. 237][66]. En 1750 et 1751, les deux inventaires après-décès de Nicolas Dammers, négociant Hambourgeois installé à Bordeaux en 1721 dans la vente et l’achat de tout type de marchandises, dont le bois, fait état dans sa demeure des Chartrons, de trois armoires d’acajou richement ornées et chantournées[67]. La raison essentielle de l’usage de la courbe dans le mobilier en bois des îles est le rendu chromatique produit par les acajous.

« On évite les lignes rigides, les arêtes vives, partout règne le sourire de la courbe ; l’œil suit le profil d’un meuble comme si c’était la ligne sinueuse d’un corps de femme […] », femme du négociant qui apparaît d’ailleurs comme la maîtresse de maison ordonnançant le choix de l’ameublement pour l’étage de réception de l’hôtel urbain[68]. La courbe est donc à la jonction entre convenance et révélation des atouts colorés des acajous.

3.2 Révéler la couleur par le contraste et le galbe

La disponibilité des acajous, qui élargit la gamme des possibilités offertes aux artisans et aux consommateurs, converge avec l’accroissement du luxe au XVIII^e siècle[69]. Ce luxe s’illustre de différentes façons selon les essences arrivant dans les ports. Si le contraste des coloris est privilégié à La Rochelle, l’exagération formelle des galbes fait miroiter les tonalités rouges à Bordeaux.

À La Rochelle, les acajous, certes dominants, se trouvent en concurrence avec d’autres essences. La qualité des archives a permis à Florence et Dominique Chaussat d’en faire une étude historique assez exhaustive où ils démontrent l’ancienneté et la régularité des arrivées des bois des îles dans le port[70]. Dès 1604, Jean Mocquet, auteur du Cabinet des singularités du roi, décrit lors de son voyage en Guyane le chargement d’un navire de 70 tonneaux pour lequel il décrit les billes de bois de Santal rouge et jaune, de bois de rose et de gaïac[71]. L’acajou est un « bois d’œuvre » importé régulièrement à partir de 1719. Il entre alors dans la réalisation d’un meuble sur deux[72]. L’originalité chromatique des meubles rochelais réside dans l’association entre bois clairs aux tonalités jaunes, gaïac à cœur clair et bois de citron provenant du sud de la Floride, des Antilles et des Bahamas, et essence plus foncée comme l’acajou dans 20% des cas. Les seize exemplaires rochelais, contre sept à Nantes et aucun à Bordeaux et Saint-Malo, nous permettent d’acter cette singularité[73]. Les artisans ainsi que les commanditaires composent avec la multiplicité des couleurs pour faire émerger une unité chromatique alternant tons clairs et foncés. Il s’agit de renforcer les contrastes par une moulure sombre en amarante, en palissandre ou en acajou [vol. 2 fig. 290], exécutée en relief qui semble se poser sur un panneau clair de bois de citron ou de gaïac au cœur clair [vol. 3 pl. 4 à 6]. Cette combinaison d’essences crée une habitude visuelle transférée, par la circulation des modèles, dans les intérieurs des demeures négociantes de Trinidad et de la Martinique, espace où la diaspora rochelaise et aunisienne s’est installée [vol. 2 fig. 308 et 310][74]. A la reproduction sociale s’ajoute une reproduction ornementale au sein du réseau négociant atlantique.

L’originalité des meubles des élites bordelaises, étudiées par Philippe Gardey pour les négociants et Michel Figéac pour les nobles, réside dans l’attachement à la forme tombeau pour les commodes jusque dans les années 1790-1800, bien au-delà de son usage à Paris où les objets massifs d’essences indigènes marquetés de bois des îles adoptent les formes Louis XVI dès les années 1760[75]. Cette constante formelle est à chercher ailleurs que dans un décalage chronologique du goût provincial d’autant que bon nombre de négociants intègrent la sphère parlementaire et achètent des biens fonciers nobiliaires dès le début du XVIII^e siècle. Notre hypothèse repose sur l’idée que les négociants ont privilégiée, avec les artisans, le rapport forme/couleur en le substituant au rapport forme/convenance. Le goût parisien, respecté dans les boiseries, les tissus d’ameublement ou encore l’orfèvrerie, est au cœur de la progression dans la distribution des pièces. Ceci laisse une marge de liberté pour le meuble en acajou qui devient une plus-value par ses couleurs et sa préciosité[76]. La courbe a la capacité de transcender les rouges/bruns, plus ou moins clairs des acajous, par son caractère ostentatoire due à la multiplication et la hiérarchisation de l’épaisseur des filets ou l’accentuation du galbe. Dans les intérieurs bordelais on compte au moins deux commodes tombeau en acajou, une dans la chambre du négociant et l’autre dans celle de son épouse, dans trois quarts des appartements entre 1750 et 1800 [vol. 2 fig. 50 à 53]. Alors qu’à La Rochelle la commode tombeau est une exception avec un seul exemplaire produit entre 1780 et 1790 où l’acajou est remplacé par l’amarante et le bois de citron, pour respecter le goût rochelais.

Au contraste de couleurs des meubles rochelais s’oppose l’opulence ondulatoire des commodes bordelaises. Mais dans les deux cas l’acajou occupe une place centrale où sa couleur sert de faire valoir ornemental chromatique et de révélateur formel. L’acajou, qui constitue plus d’un quart des meubles d’apparat de notre répertoire, identifie alors le commanditaire à sa fortune acquise aux îles d’Amérique [tableau 6].

Tableau 6 : Meubles d’apparat en acajou selon les ports (1680-1800)

	Saint-Malo	Nantes	La Rochelle	Bordeaux	Total objets d’apparat	Proportion des meubles d’apparat selon leur type
Commodes	5	4	4	8	21	24,41%
Armoires	1	3	6	8	18	33,33%
Meubles atypiques	1	1	1	2	5	55,55%
Total par port	7	8	11	18	44	Proportion des meubles d’apparat en acajou 22.33%
Proportion des meubles d’apparat par rapport au meuble d’acajous selon les ports	26,92%	16%	33,33%	47,36%

  

Conclusion

La production des meubles en bois des îles s’ordonne autour d’un langage esthétique commun, la mise en valeur du coloris par l’accentuation des contrastes colorés et texturés. La courbe, aux gradations plus ou moins nuancées, assume l’inspiration des principes formels du meuble parisien. La sélection, dans le mobilier national de formes ondulatoires, vient alors renforcer les effets lumineux produits par les moulures et utilise la modulation colorée d’un même acajou. Les effets visuels, issus des aléas de croissances des arbres, créent un mouvement coloré plus foncé au sein d’une couleur initiale. Ils renforcent l’ondulation des courbes ou rompent la continuité colorée et agrémentent de façon irrégulière les surfaces planes de tâches plus foncées.

Les artisans choisissent donc un axe formel, l’ondulation des façades, des côtés ou des corniches, et/ou un axe visuel, la texture, pour révéler toute la gamme colorée des acajous qui leur sont confiés. Ainsi les formes choisies révèlent par les surfaces lisses et quasiment ininterrompues le grain discret de l’acajou.  Grain qui se marie parfaitement aux bronzes, à l’or ou l’argent mais aussi au vert du damas et à la fraîcheur des toiles d’indiennes. L’acajou est associé à la modernité des lignes et apparaît comme un élément clé dans la construction d’une identité atlantique. Cependant, en fonction des types d’essences arrivant dans les ports et des profils des commanditaires, une diversité des productions s’installe oscillant entre monochromie et bichromie[77]. Dès les années 1730, La Rochelle se démarque des autres ports par un chromatisme novateur basé sur un contraste franc entre le rouge pourpre des acajous et le jaune citron du gaïac clair ou du citronnier dit de Saint-Domingue. La circulation des modèles, issue des transferts de savoir-faire entre Amérique- Europe et Europe-Amérique, confirme un goût prononcé pour ces acajous au sein de la sphère négociante. Ils ont le mérite de proposer des effets de brillance et de lumière avantageusement mis en valeur par la moulure. Technique simple et peu coûteuse, elle ne nécessite pas la présence d’un sculpteur et donne une note de raffinement à des meubles généralement assez sobres. Nouspouvons convenir, comme l’affirme Madeleine Dobie, de la fascination des hommes pour ces acajous aux surfaces soyeuses et polies, aux couleurs profondes saturées et aux grains intrigants[78]. La diffusion des modèles parisiens, par les catalogues de ventes, les estampes et les traités, contribue à faire du meuble en bois des îles en acajou un objet hybride, formellement inspiré de Paris, chromatiquement nuancé et matériellement d’essences atlantiques[79] [Fig. c].

[1] SAINTON, Jean-Pierre, dir., Histoire et civilisation de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Petites Antilles). Le temps des matrices : économie et cadres sociaux du long XVIII^e siècle, tome 2, Karthala, Paris, 2012, p. 66.

[2]JANDON-GABARD Véronique, Le mobilier en bois des îles, un « savoir-vivre » atlantique. Ports de Saint-Malo, Nantes, La Rochelle et Bordeaux (1680-1830), thèse sous la direction d’Hélène Rousteau-Chambon, école doctorale STT, Nantes Université, 2021, disponible en ligne sur : https://archive.bu.univ-nantes.fr/pollux/show/show?id=e0d8d590-29e3-4771-aeba-1983ca727780, vol. 2 répertoire / vol. 3 annexes. Afin d’illustrer visuellement notre propos des renvois aux figures de ces exemplaires sont indiqués entre crochets dans le texte.

[3] ADG, 3^E15309, « un cabaret monté sur quatre consoles de bois rouge des Isles d’Amérique ».

[4] Meuble unique réalisé sur mesure pour une fonction déterminée, exemple le coquillier de Clément Lafaille salle 5 cabinet d’histoire naturelle au museum La Rochelle.

[5] ROUBO, André-Jacob, L’art du menuisier ébéniste, Partie III, III^e section, 1^ère édition 1774, p. 781 et 791.

[6] VIENO, Françoise, « Introduction à la couleur. De l’expérience visuelle à la mesure », p. 13, dans SFIIC, INP, Couleur & Temps. La couleur en conservation restauration, Paris, 2006.

[7]ANDERSON, Jennifer L., Mahogany. The costs of luxury in early America, Havard University Press, London, 2012, p. 29 et 195.

[8] DESCOURTILZ, Michel-Etienne, Flore pittoresque et médicale des Antilles, ou Histoire naturelle des plantes usuelles des colonies françaises, anglaises, espagnoles et portugaises, 2^e édition 1933, tome 1, p. 41. MARTIN, Margueritte, « Une culture de la couleur ? Les étoffes de laine de la France du Centre-Ouest à la fin du XVIII^e siècle », p. 114, dans FIGEAC, Michel, dir. Et BALAVOINE, Ludovic, coll., Echanges et métissages des cultures matérielles entre la Nouvelle Aquitaine et les outre-mers (XVIII^e-XIX^e siècles), MSHA, Pessac, 2021.

[9] ROUSTEAU-CHAMBON, Hélène, « Une vision économique du bois chez les théoriciens des Temps Modernes ? Une vision pratique », Le bois, Livraison d’histoire de l’architecture, 34-2017, p. 9-15.

[10] INRAP, Journées Bois : Échanges interdisciplinaires sur le bois et les sociétés, GDR 3644 Bioarcheodat, 18 et 19 octobre 2021 à l’INHA disponible en ligne sur : https://bioarcheodat.hypotheses.org/6341, consulté le 20/08/2021. CHOUGNET, Pauline, « Le bois », Livraisons d’histoire de l’architecture, Ecole Nationale des Chartes, n°34, 2^e semestre 2017, p. 5-6.

[11] ADG 3^E15309. ROCHEFORT, Charles (de), Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l’Amérique. Enrichie de plusieurs belles figures des raretez qui y sont décrites. Avec un vocabulaire caraïbe, chez Arnould Leers, 1658, chapitre septième, article 1 : « De deux sortes d’acajou », p. 67-69.

[12] VERLET, Pierre, La maison du XVIII^e siècle en France, Baschet et Cie, 1966, p. 134.

[13] WATTS, David, “Biogeographical Variation in the Mahogany. Woodlots of Barbados, West Indies”, Journal of Biogeography, n°4, 1978, p. 347.

[14] Cité par GARRISON, Ritchie J, “Boston and its Furnituremakers, 1650-1860”, Colonial Society of Massachusetts, vol 88, 2017, disponible en ligne sur :  https://www.colonialsociety.org/publications/3297/boston-and-its-furnituremakers-1650-1860, consulté le 24/05/2019.

[15] BOWETT, Adam, The English Mahogany Trade 1700 -1793, Department of Furniture, Faculty of Design Buckinghamshire College Brunei University, nov. 1996.

[16] ANDERSON, Jennifer L., op. cit., p. 18-63.

[17] On notera également que les recherches priorisent le mobilier parisien plaqué ou marqueté de bois exotiques. BALLET, Alexandra, l’ornement dans les bordures des panneaux en marqueterie de bois de l’Italie de la Renaissance : histoire, stylistique et géographie artistique d’un répertoire ornemental, Thèse de doctorat, sous la direction de Paulette Chone, Ecoles doctorale LISIT, Dijon, 2013.

[18] MICHAU, Véronique, Le mobilier en acajou à Paris dans la seconde moitié du XVIII^e siècle, mémoire de maîtrise, sous la direction d’Alain Mérot et Thibaut Wolvesperges, Université Paris-Sorbonne, 2001.

[19] LJUNGSTRÖM, Lars, Mahogny i sträng stil : nyklassicismens första mahognymöbler och relationen till Sverige, Nationalmuseum, Stockholm, 2022.

[20]ALCOUFFE, Daniel, dir., Un temps d’exubérance : les arts décoratifs sous Louis XIII et Anne d’Autriche, Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2002, p. 37-39 et p. 142.

[21] FEREIRA DE SOUSA, Joana, La couleur noire dans le mobilier d’ébénisterie parisien du XVII^e au XIX^e siècle : évolution du goût et problématique de restauration, mémoire d’étude, Ecole du Louvre, Paris, 2021.

[22] BOS, Agnès, « Polychromie et monochromie dans le mobilier : le cas des cabinets d’ébène parisiens du XVIIe siècle », dans BOURDON-MACHUEL, Marion, BROCK, Maurice et CHARRON, Pascale, Aux limites de la couleur. Monochromie et polychromie dans les arts (1300-1600), coll. Etudes Renaissantes, Brepols, Tours, 2011, p. 227-235.

[23] LOWENGARD, Sarah, The creation of Color in the Eighteenth-Century Europe, Colombia University Press, New York, 2006. ROCHE, Daniel, La culture des apparences. Une histoire du vêtement XVII^e-XVIII^e siècles, Fayard, Paris, 1989. COQUERY, Natacha, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au XVIII^e siècle, Publication de la Sorbonne, Paris, 1998.

[24] MARTIN, Marguerite, « Une culture de la couleur ?… », op. cit., p. 141-158.

[25] SERVAIS, Agnès, Des Indes à l’Europe : production, commerce et approvisionnement de l’Occident en bois de brésil, (XV ^e-XVI ^e siècle), thèse de doctorat sous la direction de Thierry Lalot, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020.

[26] GAILLARD, Aurélia et LANOË, Catherine, « Couleur(s) sur les Lumières », Dix-Huitième siècle, 2019/1, n°51, p. 13.

[27] CORBINEAU Paul et FLANDIN, Jean-Michel, Identification des bois. Esthétique & singularités, éditions Vial, Paris, 2009, op. cit, p. 34.

[28] JACQUIN, Nicolaï J., Enumeratio systematica planatarum quas in insulis Caribaeis vicinaque Americes continente…, Theodore Haak, Leiden, 1760, p. 20.

[29] SYMONDS, Robert Wemyss, Early import of Mahogany for furniture, Connoisseur, vol. 94, 1934, p. 3.

[30] L’aubier est la partie tendre et blanchâtre qui se forme chaque année entre le duramen (bois dur) et l’écorce d’un arbre.

[31] Ce terme se trouve chez A.J Roubo, T. Chippendale ou encore J. Ballet et J.J Beauverie.

[32] ADG C 3688 (1787-1789) Commerce extérieur – arrivée des bois d’acajou, port de Bordeaux en provenance de Saint-Domingue et Cayenne.

[33] ROUBO, André-Jacob, op. cit., p. 770.

[34] CORBINEAU, Paul et FLANDIN, Jean-Michel, op. cit, p. 39.

[35] ROUBO, André-Jacob, op. cit., p. 770.

[36] CORBINEAU, Paul et FLANDIN, op. cit, p. 38.

[37] CORBINEAU Philippe et FLANDIN, Jean-Michel, op. cit., p. 38-39.

[38] ADG, notaire Collignan, 3^E24309-1797, notaire Darrieux jeune, 3^E26638-1799, notaire Darrieux jeune, 3^E26628-1795.

[39] Permalien vers les figures du volume 2 et les annexes du volume 3 de la thèse pour l’ensemble de l’article : https://archive.bu.univ-nantes.fr/pollux/show/show?id=e0d8d590-29e3-4771-aeba-1983ca727780

[40] La première étape du vernis vient remplir les pores du bois par un frottement circulaire avec un tampon à mèche chargé d’alcool et saupoudré à la poudre ponce. La seconde étape se fait par l’application de la gomme laque toujours avec un mouvement circulaire. Le vernis permet de révéler la couleur de l’essence et non de la dissimuler, même si avec l’action de la lumière dans le temps les acajous ont tendance à brunir.

[41] Sources photographiques : Kermadelaine agencement.

[42] Il faut s’assurer qu’un expert est à l’origine de l’authentification des bois (Centre Technique des bois et forêts de Guyane par exemple).

[43] SAINTON, Jean-Pierre, dir., op. cit., p. 3. ADCM, 41ETP270/9416, f°9.

[44] L’auteur, cité par GAILLARD, Aurélia et LANOË Catherine, op. cit., p. 25, présente ainsi ce siècle.

[45] FINANCE de, Laurence et LIÉVAUX, Pascal, dir., Ornement, vocabulaire typologique et technique, coll. Inventaire Général du Patrimoine Culturel, Editions du Patrimoine, Centre des Monuments Nationaux, Paris, 2014, p. 298.

[46] ALCOUFFE, Daniel, op. cit., p. 63-64.

[47] A.O.C.D.T.F., L’Encyclopédie des métiers. La menuiserie. Les savoirs et savoir-faire, vol. 4, édition du Compagnonnage, Paris, 2005, p. 138 et fig. 28 p. 140. GIMALAC, Jean-Louis, Patrimoine et tour de France, supports de cours, 2004, p. 102.

[48] « Moulure très étroite, sans profil défini, généralement unie, le plus souvent utilisée pour souligner une moulure plus importante ou former un repos entre deux moulures […] le filet peut délimiter le contour de tout ou partie d’un objet », FINANCE de, Laurence de et LIEVAUX, Pascal, op. cit., p. 310.

[49] Le panneau à glace est un panneau plan sans plate-bande ou languette, 76.56% de nos armoires en possèdent sur leur façade.

[50] A.O.C.D.T.F., op. cit, p. 138.

[51] LJUNGSTRÖM, Lars, op. cit., p. 88.

[52] BOS, Agnès, op. cit., p. 229. « Penser la couleur », entretien avec Michel Pastoureau par Aurélia Gaillard et Catherine Lanoë, Dix-huitième siècle, vol. 51, no. 1, 2019, p. 343.

[53] ALCOUFFE, Daniel, op. cit., p. 70.

[54] Ibid.

[55] DISERTORI, Andréa, dir., le mobilier du XVIII^e au XX^e siècle en France et en Europe, vol. 1, Mengès, 1991, p. 160.

[56] ROUBO, André-Jacob, op. cit., p. 765.

[57] HAMON Olivier et ROULLAT Vincent, op. cit., croquis p. 59-57.

[58] LJUNGSTRÖM, op. cit., p. 10, commode conservée au National Museum de Stockholm.

[59] Janvier 2024, vente d’une commode nantaise dite de port, acajou et incrustation de bois de citron sur les tiroirs, Antiquités Paul Azzopardi, disponible en ligne sur : https://www.anticstore.com/commode-port-acajou-18eme-69136P, consulté le 26/01/2024.

[60] ADG, 3^E15309, inventaire Joseph Lombard, 1708.

[61] ADIV, 1F1897-1924, Fonds Magon de la Balue, 1717-1786 et LE BARZIC, Ernest, « À Saint-Malo, les Magon!”», Nature & Bretagne, Quimper, 1974, disponible en ligne sur : http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_84/A_Saint_Malo_Les_Magon_.pdf, consulté le 20/08/2021. MAGON DE LA GICLAIS, H, « Inventaire du mobilier d’un négociant malouin », p. 30.

[62] DOBIE, Madeleine, « Patrimoine mobilier : entre colonialisme et orientalisme », In Situ [En ligne], 20 | 2013, mis en ligne le 18 mars 2013, consulté le 17 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org/insitu/10270; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.10270.

[63] LJUNGSTRÖM, Lars, op. cit., p. 92, souligne dans le mobilier gustavien de la fin du XVIII^e siècle, « la diversité des approches dans une relative uniformité globale ».

[64]ANDERSON, Jennifer L., op. cit, p. 19.

[65] MALFOY, Louis, Le meuble de port. Les bois des « isles », les artisans, les ports, les mobiliers. Un patrimoine redécouvert, Les éditions de l’amateur, 1992, p. 101.

[66] Hôtel de Lalande, musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux.

[67] ADG, 7B1250, Barberet, 3^E20547-1750, Guy, 3^E13236-1751 : « une armoire lingère à deux portes en acajou dans l’antichambre du premier étage, une armoire lingère dans la grande chambre de sa femme de la même essence et dans une antichambre du deuxième étage une armoire à deux portes également d’acajou ».

[68] PRAZ, Mario, Histoire de la décoration d’intérieur, Thames & Hudson, Paris, 2008, p. 153. ADCM, Pierre et Léonard Guillemot, 3E1852, f°93-102, 1729. ADG, Despiet, 3E24893, 1787.

[69] ANDERSON, Jennifer L., op. cit., p. 15. BOURQUIN, Leonhard, éd., Fortunes urbaines : élites et richesses dans les villes de l’Ouest à l’époque moderne, PUR, 2011, introduction.

[70] CHAUSSAT, Dominique et Florence, Les meubles de port rochelais, collection Mémoire du Nouveau Monde, Edition Être & Connaître, 2000.

[71] Cité par DOBIE, Madeleine, op. cit., p. 18..

[72] ADCM, 41ETP/270, 9400, 1739, f°6.

[73] Entre 1718 et 1780 seules six années ne comportent aucune arrivée de bois des îles, alors qu’à Nantes, pour la même période, sept années sont vierges contre 10 à Bordeaux et 12 à Saint-Malo.

[74] STURM Philip, West Indian Antique Furtinure of the Lesser Antilles, 1740-1940, Antique Collector’s Club, 2011, p. 72, 89, 152 et 173. MARTINETTI, Brice, Les négociants de la Rochelle au XVIII^e siècle, PUR, Rennes, 2019, Chapitre IX. Des campagnes aux colonies : enjeux et pratiques de la propriété terrienne, p. 329-366

[75] GARDEY, Philippe, Négociants et marchands de Bordeaux. De la guerre d’Amérique à la Restauration (1780-1830), PUPS, 2009, p. 675-679 et FIGEAC, Michel, La douceur des Lumières. Noblesse et art de vivre en Guyenne au XVIII^e siècle, Mollat, 2001, p. 289-290.

[76] Boiseries rocailles de l’hôtel Gracq conservées aujourd’hui au Musée des arts décoratifs et du design de Bordeaux

[77] BOS, Agnès, op cit, p. 227-235.

[78]DOBIE, Madeleine, op. cit., p 2. ANDERSON, Jenifer, op., cit., p. 29 où le Sir Gibbon en 1724, physicien américain, est tellement satisfait des coloris et du poli des meubles d’acajou qu’il a commandé, qu’il invite tous ses amis à venir les admirer.

[79] Ici le terme d’essence est utilisé à double sens en tant que matière et en tant que principe, contenu fondamental de quelque chose, ici de l’identité atlantique.

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