Venise et le collectionnisme / Venezia e il collezionismo

« Non sono una collezionista, sono un museo ». L’aphorisme de Peggy Guggenheim dit beaucoup des enjeux de la collection : collecter pour faire découvrir des œuvres, de jeunes artistes et des savoirs, pour se faire un (pré)nom pour la postérité, ou transmettre un message qu’il soit esthétique, d’affirmation sociale ou politique.

Venise occupe une place singulière dans l’histoire du collectionnisme : elle vit s’épanouir la démarche humaniste des cardinaux Grimani, rendue publique ensuite par un legs à la Sérénissime, celle dynastique des familles patriciennes souvent ruinées au fil du temps, mais aussi la passion des diplomates (Joseph Smith) et des voyageurs (Giovanni Miani, Enrico di Borbone) avides de réunir des souvenirs artistiques de la cité ou de leurs expéditions lointaines, ou bien le goût des nouvelles fortunes industrielles (Cini, Ligabue) ou internationales (Pinault) et des artistes même (Fortuny, Vedova, Kapoor). Ces collections qui relèvent de typologies variés (antiquités, naturalia, œuvres d’art, objets ethnographiques, scientifica, militaria, livres, etc.) résultent de réseaux et de trajectoires sophistiquées : comment interagissent ces collectionneurs avec les marchands, antiquaires, agents, érudits ou experts, conseillers dans cette quête ? comment se forme leur goût et quels choix les guident dans la constitution des ensembles ? quelles émulations ou concurrences se jouent ? Outre ces questionnements, le séminaire abordera les grandes mutations à l’œuvre dans le temps, avec la chute de la République, l’incorporation des fonds dans les musées, l’avènement de la Biennale, l’essor des fondations, ainsi que la question de la mise en scène de la collection : les lieux remployés ou dédiés (tribune, camaron, period room…), les formes et dispositifs du display, jusqu’à l’image du collectionneur même. En quoi la collection dresse un portrait de son auteur et comment les collections forgent à leur tour une image de la Cité ?