Compte rendu d’exposition : Cabinet de dessins néerlandais. Le XVIIIe siècle. Collection des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (25 février – 14 mai 2023)

Tethart Philipp Christian Haag (Kassel 1737 – 1812 La Haye), Intérieur d’écurie et cheval danois, 1780, plume et encre grise, aquarelle et gouache, 30,3 × 25,1 cm, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, © johan@artphoto.solutions.
Sous l’égide de Stefaan Hautekeete[1], la Fondation Custodia[2] accueille 80 des quelques 1200 dessins néerlandais du XVIIIe siècle qui appartiennent aujourd’hui aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
Ces dessins sont issus de la collection constituée initialement par Ingen Housz (1766-1859), directeur provincial des impôts dans le Brabant-septentrional et politicien actif dans de nombreux domaines. Poursuivie par son neveu Joseph de Grez (1817-1902), puis par le neveu de ce dernier, Jean de Grez (1837-1910), la collection s’est considérablement enrichie au fil des générations avant d’être léguée à l’Etat belge en 1911 par la veuve de Jean de Grez. Elle comporte 4250 dessins du XVIe au XIXe siècle dont 3600 représentant l’école hollandaise.

Fig. 1 : Bernard Picart, Nu féminin assis, sanguine, 30,4 × 36,1 cm, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, © johan@artphoto.solutions.
Cette collection très tôt constituée reflète l’intérêt accordé au dessin par les Pays-Bas au XVIIIe siècle. Comme le rappelle Paul Knolle[3] dans le catalogue de l’exposition[4], les théoriciens de l’art hollandais tels que Willem Goere (1635-1668) ou Gérard de Lairesse (1640-1711) soulignent l’importance du dessin pour tous dans des traités qui sont édités et réédités à de nombreuses reprises au XVIIIe siècle. Absolument nécessaire à l’éducation de l’apprenti peintre, le dessin est considéré, au XVIIIe siècle néerlandais, comme devant faire partie de l’éducation des garçons, comme des filles, afin de développer les connaissances personnelles, le goût et la vertu. Créées dès le XVIIe siècle, les académies d’Utrecht (1696), de Leyde (1694) ou encore d’Amsterdam (1718) rassemblent des artistes qui se forment entre eux au dessin d’après le modèle nu, considérant cette activité comme une formation permanente indispensable. Gérées par des confréries ou par des associations, ces académies continuent de se développer au XVIIIe siècle touchant un public toujours plus large. Réunissant soit des artistes professionnels, soit des amateurs chevronnés, elles s’intéressent aussi à la création d’objets dans le domaine des arts appliquées. Elles conservent l’objectif d’élever l’esprit de la population, mais cherchent aussi à renouer avec la tradition du XVIIe siècle, période au cours de laquelle des peintures de qualité étaient vendues en grand nombre à des collectionneurs étrangers. Il s’agit donc non seulement d’enrayer un déclin qualitatif constaté dans la première moitié du XVIIIe siècle mais aussi de stimuler l’économie hollandaise. Ainsi sensibilisés au dessin et à toutes ses implications économiques et sociales, les collectionneurs se multiplient. De plus, les dessins présentent l’avantage de se conserver facilement dans une farde sans prendre de place alors même que se développent une mode des toiles peintes à la façon de tapisseries qui est moins favorable à l’accroche de tableaux au mur.

Fig. 2 : Johannes Schouten, Vue sur l’Amstel, depuis l’ouest, près du portail d’entrée du manoir Ruijschenstein, plume et encre grise, aquarelle, 22,2 × 34,3 cm, Bruxelles Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, © johan@artphoto.solutions
Les dessins présentés permettent de suivre l’évolution du dessin hollandais au XVIIIe siècle au travers d’artistes et d’œuvres de grande qualité. Le parcours débute par des études réalisées l’une par Gérard de Lairesse pour le tableau Ecce Homo[5] et l’autre par Willem van Meiris (1662-1744) pour La mort de Cléopâtre[6]. Il souligne ensuite l’intérêt porté au développement des arts en France au travers des artistes d’origine française tels que Daniel Marot (1661-1752) ou Bernard Picart (1673-1733) [Fig. 1] ; si le premier se rend en Hollande pour échapper aux persécutions à l’encontre des protestants en France, le second répond à la forte demande des éditeurs hollandais en dessinateurs et graveurs pour illustrer leurs livres. Les dessins et les aquarelles d’Isaac de Moucheron représentent une Italie d’une grande poésie qui témoignent de l’aspiration du début du siècle pour un monde idéal. Au milieu du XVIIIe siècle, ces représentations tout aussi délicates que précises cèdent néanmoins la place à des vues plus réalistes qui reflètent également un intérêt accru pour les beautés du paysage hollandais ; parmi cette production on peut citer les dessins de Paul van Liender (1696-1759) et de Johannes Schouten (1716-1792) [Fig. 2]. Cette conscience nationale s’exprime aussi dans des dessins qui prennent exemple sur les grands maîtres du XVIIe siècle tels que Jacob van Ruisdael (1628-1682) ou Aelbert Cuyp (1620-1669) ; entre autres, on citera les dessins d’Anthonie Erkelens (1778-1804) ou de Jan Kobell II (1778-1814). Les scènes de genre animées d’un Cornelis Troost (1696-1750) [Fig. 3] côtoient les scènes plus paisibles d’Abraham van Strij (1753-1826). Les natures mortes d’Aert Schouman (1710-1792), qui se spécialise ensuite dans les tableaux d’oiseaux [Fig. 4], répondent aux scènes militaires de Dirk Langendijk (1748-1805).

Fig. 3 : Cornelis Troost, Le Retour, après une joyeuse fête dans une maison bourgeoise sur les canaux, 1749, gouache, 29,8 × 41,7 cm, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, © johan@artphoto.solutions
Ces quelques noms d’artistes ne donnent qu’un faible aperçu de la sélection qui a été faite par Stefaan Hautekeete. L’exposition mérite d’être explorée de manière détaillée avec l’aide du carnet d’exposition, toujours aussi détaillé, mis à la disposition du public. Par la diversité des artistes présentés et des thèmes abordés, ce parcours offre une introduction aux artistes hollandais du XVIIIe siècle qui ne peut que donner envie de mieux connaître la riche collection de Jean de Grez.
Florence FESNEAU

Fig. 4 : Aert Schouman, Deux passereaux indigènes, 1759, aquarelle et gouache, 36,5 × 25,8 cm, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, © johan@artphoto.solutions
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[1] Conservateur de la collection des dessins anciens des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (Bruxelles).
[2] Hôtel Lévis-Mirepoix, 121 rue de Lille, 75007 Paris.
[3] Conservateur au Rijksmuseum Twenthe (Entechede).
[4] « Une approche du dessin aux Pays-Bas dans les années 1670-1820 », dans Cabinet des plus merveilleux dessins. Dessins néerlandais du XVIIIe siècle issus des collections des musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Gand, Ed. Snoeck, 2019, p. 15-25.
[5] Vers 1633, huile sur toile, 130 x 108 cm, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
[6] Vers 1694, huile sur bois, 22,9 x 20 cm, lieu de conservation inconnu.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Florence Fesneau (26 février 2023). Compte rendu d’exposition : Cabinet de dessins néerlandais. Le XVIIIe siècle. Collection des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (25 février – 14 mai 2023). Groupe de Recherche en Histoire de l'Art Moderne. Consulté le 16 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/p74w